vendredi 4 septembre 2009

Pré-rentrée littéraire

Lors de mon passage bref au Marché de la poésie de Paris, en juin dernier, j’ai été impressionnée devant le nombre des maisons d’édition présentes. Bien plus qu’à Montréal ! Évidemment, l’Europe étant plus populeuse, il est normal, me direz-vous... en fait, j’étais ravie, et un peu perdue, je l’avoue, devant tous ces stands exhibant leurs livres, nombreux, inconnus...
Comment choisir ? Je me suis promenée, ai rencontré des éditeurs, des poètes, des gens, tout ça au pied de la fontaine de l’église Saint-Sulpice, qui, même si elle était cachée par les apparats nécessaires à sa rénovation, était magnifique. J’ai visité l’intérieur, j’ai été enchantée, j’ai fait le tour des stands des éditeurs de poésie, j’ai été d’autant plus enchantée.

J’ai été conseillée, finalement, il y avait trop de choix, et j’ai choisi veilleur sans viage, d’un certain Yetka. Déjà, les recueils sont sobres, cousus à la main; le contour est rouge, rouge feu, bien sûr. Et l’intérieur n’en est pas moins frappant :

je parle de sillonner les sept mers entre les rayons d’une bibliothèque que je navigue en soufflant sur les feuilles d’un vieux catalogue des continents engloutis je parle du vent qui se blesse sur les ailes d’un lit de fer-blanc lors d’un vol de nuit sur les villes qui vont et viennent au fond de mes prunelles je parle de creuser un lit dans ma poitrine un trou de satin rouge pour l’ange de la déroute la muse syphilitique le démon oisif une couche cauchemardesque où je pourrais renaître petits papillons de poivre dans la gorge du roi

Presque pas de ponctuation, rien que les mots, et les images, fortes, qui nous restent pris en travers de la gorge, qui nous rappellent nos fantômes pas tout à fait disparus. Parfois, les poèmes de Yetka font penser à de petites fables un peu morbides, qui « dégrafe[nt] les âmes », mais qui nous convient à un monde lunaire, un monde irréel, qui est pourtant le nôtre. Être soi, parler sa propre langue, avec ses codes et ses difficultés, sous le joug de ce ciel, qui nous regarde, de ces visages, qui se multiplient, qui se perdent, qui cherchent néanmoins à trouver ces « chambres vides avec fenêtres sur l’infini ».
Cette quête intérieure identitaire court à travers des poèmes en prose brefs, incisifs, où le veilleur n’abandonne pas, garde son oeil ouvert, lui qui est seul au coeur de l’absence, des feuilles mortes et des cris dans les gorges millénaires, les nôtres.



Voilà quelques impressions, rapidement esquissées... il y aurait beaucoup à dire, à citer, à analyser. Mais j’aime piger dans le recueil de Yetka, me laisser ensorceler par les carrés ou rectangles allongés, qui me convient à un espace autre, bien plus vaste et libre... Il faut s’y jeter, dans la poésie comme dans le roman, et j’y vais donc, je me jette à pieds joints dans la rentrée littéraire, avec sous le bras Tarmac, et Sointula, le dernier livre publié aux éditions de la Pleine lune...