vendredi 6 novembre 2009

L'île blanche


J'ai envie de parler d'un recueil de poèmes en prose qui m'a beaucoup touchée, publié cette année. Fragments de Sifnos, de Claire Rochon.

Sifnos est une île en Grèce. C'est là que la narratrice des poèmes se trouve, dans la «splendeur de Sifnos», sa blancheur, sa belle lumière et ses couleurs, pour vivre un deuil, parler à la mer, à la mort, à la personne disparue.


Je parcours les sentiers en périphérie de l'île, les yeux braqués sur la mer comme une main s'appuie contre le monde pour éviter la chute entière du coeur.


La lumière de Sifnos, l'éclat de la mer, le silence des flots et de l'île, l'atmosphère de calme qui s'en dégage crée une espèce de spiritualité, qui permet de faire le deuil, difficile. C'est un chemin cahoteux vers la consolation. Sifnos, un baume.
Le poème, également, est baume. Avec le poème, peut-être peut-on parler de plus près à cette personne qui nous manque :

dans tout poème perdure la nostalgie de rejoindre l'autre, l'urgence d'être dans l'émotion de l'autre. La certitude de cette destination.

À travers le poème, la narratrice parle, une dernière fois, à cette personne. À travers l'île aussi, qui symbolise le corps de l'autre, un corps « porté par l'infini, bordé par les quatre vents et par le frémissement du regard sur l'horizon ».

Claire Rochon nous donne envie de « croire à la lumière », malgré la mort, la douleur dans le corps, malgré la « nuit qui [...] arrive en pleine gueule ».
C'est par petits morceaux, par fragments donc, que la lumière est possible, que la consolation peut arriver. Par le poème en prose et ces bouts de mots qui apaisent.
Comme une bouteille lancée à la mer, qui elle écoute, accompagne, veille, sur laquelle le jour, quand il brille, permet tous les espoirs.

Un recueil superbe, plein de chaleur et de beauté. Sifnos, île enchanteresse, se présente comme un sanctuaire au sein duquel on a envie de se reposer, de vivre. Un recueil dur, parfois, sur la mort, le deuil. Les photos, à l'intérieur, prises par Spring Hurlbut, sont magnifiques et si troublantes. Elles donnent à voir encore plus cet émiettement de Sifnos, de l'amour perdu, ces restes qui nous habitent pour toujours.

Fragments de Sifnos, Claire Rochon, Éditions du Noroît, Montréal, 2009.

Finaliste au prix Christine-Dumitriu-van-Saanen du Salon du livre de Toronto.

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